4 thèmes principaux ont été traités et débattus durant ce colloque : Ancienneté des forêts, maturité, évaluation, enfin production et naturalité.
Chaque 20 minutes et durant 3 jours, des exposés se sont enchaînés sur les derniers travaux scientifiques taxocentrés ou généralistes, de très nombreuses initiatives de protection régionales et des approches psychosociologiques ciblées. Ateliers et tables rondes ont permis de débattre de thèmes d’actualité.
Une salle bourrée à craquer (300 personnes, plus?) réunissait l’interprofessionnalité et tous ceux et celles qui se sentent éminemment concernés par les études sur les forêts anciennes. Depuis le colloque de 2008, de réelles avancées ont été réalisées dans de nombreux domaines, même si des freins et des blocages persistent. Focus.
Les sessions commencent tôt, vers 8h30, et sont d’une extraordinaire (bio)diversité. Salariés de l’IRSTEA (l’ancien CEMAGREF), de l’ONF et de l’INRA, ingénieurs forestiers, historiens et archéologues en milieu forestier, représentants des principaux PNR, RN et Parcs Nationaux de France, membres du Refora (participant à la mise en évolution naturelle de 10% des forêts dans la région Rhône Alpes), invités internationaux (forêts de Bialowieza, chercheurs québécois, anglais, tchèques…), écologues et auteurs, nous présentent des résultats d’évaluations in situ, des retours d’expériences par rapport à des outils divers, des affiches complémentaires, des travaux souvent pointus aux conclusions parfois inattendues.
Par exemple, Franck Richard, du Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive de Montpellier, met en évidence dans ses recherches, des liens cachés entre naturalité forestière et diversité fongique. Il nous apprend que certains coléoptères saproxyliques vont se nourrir d’un seul type de champignon, et sont donc tributaires de sa présence. Que selon ses études, il n’y a pas forcément plus de diversité fongique en forêt ancienne qu’en forêt exploitée, mais que les processus écosystémiques sont beaucoup plus complexes.
Comme le fait remarquer Jacques Blondel (CEFE/CNRS) dans un brillant exposé : « Les forêts vivent à la cadence des siècles. Aussi les pensons nous immuables, mais non ! La réalité est plus captivante encore. On la découvre tous les jours.»
Une dizaine de chercheurs nous exposent leurs premiers enseignements du programme GNB (Gestion Forestière, Naturalité et Biodiversité : ) qui étudie les effets de l’arrêt de l’exploitation forestière sur 7 groupes taxonomiques, sur 213 placettes implantées dans 15 massifs français non exploités depuis plus de 20 ans. Les analyses continuent …
Une journée de terrain est venue compléter le colloque le vendredi 20 septembre, avec des sorties en forêt et notamment des exercices de terrain, permettant l’évaluation d’un peuplement grâce à l’IBP (Indice de Biodiversité Potentielle) ou la mise en place concrète d’un îlot de sénescence.
Concernant les forêts des Pyrénées, le Groupe d’Etude des Vieilles Forêts Pyrénéennes (GEVFP) comptait de nombreux représentants. Leurs études montrent que les Pyrénées centrales recèlent encore de hauts lieux de naturalité forestière. 134 sites ont été recensés, dit « hot spots », et sont pour la plupart peu connus. Avant leur initiative, leur intérêt biologique n’avait jamais été évalué à l’échelle régionale.
Une affiche faisant le point sur les travaux actuels et un exposé permettent d’appréhender les pas de géant qui ont été réalisés : Etudes sur les micro habitats, les très gros bois vivants ou au sol, pièges à insectes et autres supports ont permis d’inventorier à ce jour 48 sites, certains non exploités depuis parfois plus de 400 ans, sur un total de 3500 ha. 12 d’entre eux sont considérés comme exceptionnels. La carte des forêts anciennes de la totalité du versant français vient d’être finalisée, grâce au croisement de données historiques et à la digitalisation. La carte des forêts matures est en cours.
Une interview de l’un des membres du GEVFP sera visible sur le site dans le courant de l’automne.
Une autre intervention sur les forêts pyrénéennes est celle du conservateur de la RNN de la Massane, Joseph Garrigue. Il montre qu’il existe des forêts non exploitées en haut de bassin et conservant une biodiversité remarquable, et que même en contexte méditerranéen, cela n’occasionne pas de risques supplémentaires à l’aval du fait de la dégradation et de la fragmentation naturelles du bois. (1)
Les freins concernant la mise en évolution naturelle d’une part même satisfaisante (à minima 5%?) des forêts françaises, sont identifiés d’une part à l’échelle locale et institutionnelle (gestionnaires, élus, chartes de territoires) où la conscience écologique est parfois peu développée, d’autre part au niveau du monde sylvicole, qui intègre lentement les concepts de micro habitats et de très gros bois à conserver. D’autre part, la prise en compte de la naturalité est ignorée lorsque la demande est industrielle.
Les conversations de couloir, tout comme les ateliers et temps donnés aux questions de la salle, ont permis de débattre sur des questions d’intégrité écologique, d’intégration de la biodiversité à la gestion forestière, de la place que l’on souhaite donner aux dynamiques naturelles. Certains s’accordent à réfléchir en termes de pourcentages : 10% des surfaces des forêts les plus accessibles destinées aux énergies vertes de proximité (bois bûche, plaquettes), 10% des surfaces en libre évolution dans les endroits les plus reculés et identifiés pour leur richesse, 80% de forêt gérée où essayer de produire mieux et à moindre coût, donc en tenant compte de la biodiversité, de la résilience et du fonctionnement naturel de l’écosystème.
Une rencontre réussie, que le très bref aperçu ci dessus ne saurait résumer. Une version sonore numérisée du Colloque devrait exister sur le site Naturalité2013 d’ici le mois de Novembre. Le programme du colloque est téléchargeable en ligne : http://www.naturalite2013.fr/programme/
(1) : Voir l’interview de Joseph Garrigue : http://vieillesforets.com/rnn-massane/