Hiver 2014   Débardage de pins à crochets aux Arres d’Anie

Dans cette enquête menée en février 2014, nous souhaitons montrer une vidéo qui nous est parvenue, montrant des travaux de coupe de pins à crochets et de débardage par hélicoptère dans les Arres d’Anie. Le projet porte sur d’importants travaux de modernisation et de restructuration d’un secteur de la station de La Pierre Saint-Martin.

Nous avons consulté l’étude d’impact et l’étude du projet de défrichement qui ont été produits en 2013 pour pouvoir permettre ces travaux. 

 

Vidéo de l’hélicoptère

Situés entre le pic d’Anie et la station de ski de La Pierre Saint Martin, les Arres d’Anie (ou lapiaz en dehors des Pyrénées Atlantiques) constituent une immense formation karstique, insolite et de grande beauté, véritable curiosité naturelle remplie de trous et de fissures. Dans ces pavements calcaires datant du Crétacé, les très nombreux habitats floristiques représentés (selon la liste des habitats CORINE biotope) sont fortement imbriqués en mosaïque. Dans les Pyrénées, on les trouve notamment dans 3 massifs du 64 et dans le massif de Gavarnie.

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Dès les premières ann
ées, l’existence même de la station de ski de la Pierre Saint-Martin a été très critiquée, considérée par beaucoup comme une aberration écologique. Les pistes ont été ouvertes dans le karst même dans les années 1975 à 1980, fragmentant un kaléidoscope d’habitats uniques. Le karst a été broyé jusqu’à obtenir un concassé de cailloutis calcaires relativement fin et homogène.

Les aménagements réalisés ont laissé des empreintes marquées sur le plan paysager (rubans minéraux des pistes, lignes et structures des remontées, … ), une urbanisation contemporaine peu intégrée et de véritables points noirs décriés par de nombreuses voix.




Les habitats forestiers qui sont concernés par les travaux actuels sont :

* des hêtraies sur calcaire dans les parties les plus basses

* des pinèdes de pins à crochet (2).

Il est fort probable que la pinède karstique n’ait fait l’objet d’aucun processus de gestion par le passé, et que nous soyons en présence d’un peuplement forestier subnaturel.

il s’agit du peuplement de pin à crochets le plus important (d’un point de vue surfacique) du département, situé en limite occidentale de son aire de répartition. C’est une forêt clairiérée au faible taux de couvert arboré, qui permet à des végétations basses calcicoles non forestières de s’exprimer. Son origine remonte à une « colonisation postglaciaire d’un milieu hostile tant sur le plan édaphique que climatique » (Cantegrel, Karstologia Mémoires n° 17 – 2009) constituant une formation d’une grande rareté dans les Pyrénées, aux phénotypes très différents des populations de pin à crochets de la haute chaîne.

C’est un habitat considéré par l’Europe comme d’intérêt communautaire prioritaire (2) mais sans statut de protection particulier (3).

Nous sommes ici sur un territoire d’activité très fréquenté par le gypaète barbu et l’aigle royal. En partie haute, il existe des enjeux forts concernant grand tétras (nombreuses places de chant) et lagopèdes alpins.

 

Voici ce qu’il ressort de l’étude d’impact :

Les travaux actuels portent sur le démontage de 2 télésièges et 2 téléskis, impliquant la dépose de 67 pylones, et de plus de 10000 mètres de câble. Ce kilomètre de câbles sera remplacé par un total de 5064 mètres, réduisant donc, théoriquement, le nombre de collisions. Seront installés 2 nouveaux télésièges et 27 nouveaux pylones. Il faut y ajouter des démolitions puis de nouvelles constructions de bâtiments techniques, le plus souvent avec des efforts clairs d’intégration visuelle. Linstallation de nouveaux canons à neige étendra les surfaces couvertes par les neiges de culture de 9,5 à 17 ha, la retenue d’eau sera agrandie

Les câbles de la station sont responsables de 12 collisions mortelles (officielles en tout cas) de galliformes de montagne ces 10 dernières années.

cliche arres d anieLe défrichement concerne essentiellement la ligne du télésiège du Mailhnet qui traverse un espace boisé ainsi que la partie nord de la retenue, et enfin quelques ares disséminés de-ci de-là le long de certaines pistes. Environ 13 ha sont ou seront défrichés pour un total de 200m3, dont des débordements en bordure de pistes d’un peu plus de 7 hectares.

Les impacts les plus importants attendus pour la faune sont liés à un dérangement vis à vis du chantier lui même (terrassements, circulation des engins de chantier, hélicoptères, implantation des pylones héliportés) et sont donc temporaires. Le dérangement d’espèces nicheuses protégées, ou à petit rayon d’action (passereaux), le risque d’écrasement de la petite faune, le risque de dégradation temporaire (la notion de temporaire étant toute relative) du milieu de vie pour de nombreuses espèces, sont clairs.

« On considérera donc qu’il n’y a pas d’impact négatif nouveau sur la faune en termes de fonctionnement du site » (page 201 de l’étude d’impact).

Les incidences négatives concernent la destruction des habitats, d’une part par les défrichements de quelques ares de boisement et par les terrassements de zones de pelouses, de talus, de bord de pistes.

D’autre part, et c’est là la principale fragmentation nouvelle, par rapport au nouveau télésiège de Mailhné qui « ouvre » un ilôt boisé, dans sa partie basse, et un layon au sein d’un plus grand secteur de boisement clair, dans sa partie haute. La mutation du milieu semi fermé en milieu ouvert ou arbustif en raison des travaux de défrichement lésera certaines espèces forestières, « s’agissant pour partie de boisements clairs, déjà entrecoupés de layons » (page 202 de l’étude d’impact).


«
Le télésiège du Mailhné traverse le territoire du Coq de Bruyère dans sa première moitié et celui du Lagopède dans la seconde partie. Celui du Soum Couy est entièrement situé dans le territoire du Lagopède, implanté dans les zones ouvertes d’altitude, il sera aussi plus impactant pour les grands voiliers (Rapaces locaux et autres espèces migratrices).

Toutefois, par rapport à la situation existante, le nombre de lignes et le linéaire de câbles sont divisés par deux et il s’agit d’une véritable amélioration ; le risque persistera mais sera très fortement amoindri.. » (page 208 de l’étude d’impact).

BRACA SITE LAPIERRESAINTMARTIN.COM


Il est certain que l’engagement de travaux lourds et l’aménagement
de nouveaux équipements dans une zone aussi sensible et remarquable est regrettable. Toute nouvelle artificialisation implique une fragmentation des milieux naturels souvent irréversible.

Concernant le patrimoine forestier, de vieux pins à crochets, plusieurs fois centenaires, sont ou seront prélevés pour réaliser ces travaux.




 

Il est à noter toutefois que ces impacts seront relativement limités du fait des (relativement) faibles surfaces concernées au regard de la taille du domaine, et du contexte déjà très anthropisé. D’autre part, nous relevons la clarté de la démarche administrative, les multiples et les précautions prises par un ensemble d’acteurs pour minimiser les impacts des installations, notamment sur l’habitat des galliformes de montagne. De nombreuses démarches ont été menées pour éviter les impacts sur le milieu (qui ne se limitent pas au milieu forestier) et de multiples consultations ont précédé la délivrance des différentes autorisations de travaux (dont, notamment, l’autorisation de défrichement).

Un statut Natura 2000 ne saurait protéger efficacement la zone dans le futur.

Un APPB serait à l’étude pour tous les pavements calcaires des Arres d’Anie. Ce statut réglementaire fort permettrait, enfin, une protection efficace de ce massif aux paysages féériques et aux intérêts patrimoniaux et naturalistes évidents.

Nous espérons que ce mini reportage permettra d’apporter des éclaircissements précieux à ceux et celles qui ont reçu cette vidéo. Et à ceux et celles qui considèrent que de tels sites sont irremplaçables, fleurons du patrimoine naturel Pyrénéen.

Nous remercions ici la DDTM 64, la DREAL Aquitaine, le Conseil Général 64 et l’Office National des Forêts de Pau, pour nous avoir donné les renseignements demandés nécessaires à l’élaboration de cette actualité.




(1) : Le maître d’ouvrage du projet est le Conseil Général des Pyrénées Atlantiques. Le projet est situé, dans sa partie extrême est, dans la forêt communale indivise d’Issaux, et dans sa partie extrême nord est, dans la forêt départementale de La Pierre Saint-Martin. Seule une partie des parcelles bénéficie du régime forestier.

(2) : Voir la fiche de l’habitat concerné code 9430 page 11 : Pineraies de pins à crochets calcicoles des Pyrénées, habitats sans statuts, d’intérêt communautaire et prioritaires.

(3) : Le projet est pour partie concerné par deux Zones de Protection Spéciale (ZPS), désignées au titre de la Directive Européenne Oiseaux (92/43/CEE) :

– à l’extrême est par la ZPS « Haute Soule, Massif de la Pierre Saint-Martin », n° FR 7212008,

– à l’extrême sud est, par la ZPS « Hautes vallées d’Aspe et d’Ossau », n° FR7210087

Le projet est pour partie inclus dans le périmètre de la ZNIEFF de type II « Vallée d’Aspe » n°720008893.

Une autre ZNIEFF, de type I, le « Massif karstique du Pic d’Anie », n°720008876, recouvre entièrement la zone d’étude. Elle a été inventoriée car elle présente saisonnièrement des facettes indispensables à la biologie de la grande faune relique des montagnes d’Europe (Grand Tétras, Lynx, Ours brun de passage).


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