Avril 2016   PNFB : Les raisons de la contestation

Au niveau national, plusieurs politiques concourent au développement de la filière forêt-bois. Parmi elles, existe un nouveau programme capital, puisqu’il fixe avec une portée réglementaire les orientations de la politique forestière, en forêt publique et privée, pour les dix ans à venir, c’est le PNFB.

Résumé des points chauds et des critiques de ce document controversé.

 

La version actuelle du PNFB est téléchargeable ici.

60 pages peuvent décourager ceux et celles qui souhaitent s’en faire une idée rapide… toutefois, il est extrêmement facile, en téléchargeant le lien ci-dessus et en se reportant aux pages citées dans notre analyse plus bas, de comprendre les réticences de nombreux organismes, dont les acteurs de la protection de la nature.

Pour passer directement aux principales questions que nous nous posons, nous vous invitons à parcourir simplement cet article.
 

Nous saluons l’initiative de l’État d’intégrer à la concertation pour la mise en place du PNFB plusieurs organismes de protection de la nature et de l’environnement et d’avoir été ouvert à leurs remarques. Dans ce cadre, FNE, RNF et l’UICN ont permis de faire évoluer de manière très relative, un texte « parti de loin », en matière de prise en compte des enjeux écologiques.
 

 

Nous publions ici la motion des Réserves Naturelles de France (RNF) qui saisit l’opportunité du PNFB pour demander une meilleure conciliation des enjeux de production et de biodiversité dans les forêts françaises. 

Réserves naturelles de France appelle notamment à renforcer la protection des forêts âgées, aux plus forts caractères naturels, en visant à long-terme la protection stricte de 5% des forêts de métropole, comme envisagé en Allemagne, au Luxembourg et en Suisse (contre 0.15 % aujourd’hui).
 
 

Allier production et protection n’est pas un exercice facile, et la philosophie de ce site est l’ouverture à la complémentarité des approches.

Toutefois, l‘objectif du PNFB semble irréalisable sans porter un coup de massue à la qualité biologique des forêts, à la biodiversité et aux sols, aux paysages, alors que ceux ci devraient faire justement partie de la solution vers la transition énergétique.

Les PRFB (Programmes Régionaux) auront en ce sens, un rôle majeur à tenir dans la déclinaison régionale et la mise en pratique des objectifs nationaux.
 
 

  Vous trouverez ci-après quelques-uns des thèmes qui posent problème selon nous :

 

1. La sylviculture et donc la forêt, doivent s’adapter à l’industrie (et non le contraire)
 

L’industrie actuelle demande des bois de petite section et des résineux : voir par exemple, page 15 et début de la page 16. Dans la déclinaison régionale, les objectifs d’approvisionnement par bassin d’approvisionnement tiendront compte « autant que possible » de l’ensemble des prélèvements. Les besoins des volumes de bois mobilisables pourront se faire en concertation avec les entreprises et les besoins de l’industrie : page 45.
 

D’où l’encouragement à la conversion de forêts feuillues (multifonctionnelles, qui pourraient être conduites en amélioration si elles sont considérées pauvres) en plantations de résineux (favorisant l’appauvrissement des sols, de la biodiversité, de la ressource en eau, etc). La communication visant à expliquer au grand public les raisons des évolutions de la filière (dont les plantations et la transformation de forêts feuillues « pauvres » en peuplements résineux) nous semble être un terrain fragile au vu des attentes de la société : page 34.

A noter que l’autoconsommation (principalement des bois feuillus) n’est pas prise en compte dans les chiffres publiés.
 

2. Une absence de garde fous pour l’exploitation des forêts matures et lieux inaccessibles
 

Page 45, « la localisation des forêts où auront lieu les prélèvements supplémentaires  » et page 27 : « améliorer l’accessibilité des massifs ».

A noter le besoin impératif de cadre pour le débardage par dirigeable, (cliquer pour visionner l’actualité spécifique), non mentionné.

Sans schémas concertés associant l’ensemble des acteurs et tenant compte de l’ensemble des enjeux, ces propositions nous paraissent dangereuses pour les forêts à fort caractère naturel.
 

3. Des objectifs très peu ambitieux pour la prise en compte de la biodiversité
 

Eu égard aux enjeux, ils se résument à divers suivis et à des mises en cohérence avec la trame verte et bleue (qui prend aujourd’hui en compte uniquement des forêts ciblées) et les SRCE : à partir de la page 27.
 

4. Chasse : la conduite de futures expérimentations sylvo-cynégétiques sans garde fous
 

Elle avait été soulignée par les 3 organismes RNF, FNE et UICN, qui n’ont pas réussi à faire retirer le dernier paragraphe de la page 21. Les textes pourront être travaillés en PRFB, où pourraient réagir des acteurs oubliés du PNFB.
 

5. la « manne » du changement climatique
 

Page 22, nous approuvons « l’objectif d’agir avec précaution et d’apprendre en observant. »

Page 23, nous approuvons le paragraphe sur les espaces forestiers en libre évolution qui feront l’objet de suivis attentifs.
 

Mais le changement climatique est associé, notamment, dans la première partie de la page 24, à l’amélioration et au renouvellement des peuplements, à l’augmentation de la mobilisation et à des rotations plus rapides.

On parle de « dynamiser » la gestion forestière, voir les titres des pages 23 et 24, le paragraphe page 27 :

Des pratiques « plus productives » aux cycles raccourcis iraient dans le même sens que la lutte contre le réchauffement ? Le prélèvement et donc la « substitution » des troncs dans le bois d’œuvre serait LA solution pour freiner le réchauffement climatique ?

Nous ne remettons pas en cause le rôle majeur que joue le bois d’œuvre pour se substituer à des matériaux consommateurs d’énergies fossiles pour leur fabrication (acier, plastique, béton). Toutefois, il est intéressant de considérer la récolte et l’utilisation des bois (et, en amont, la gestion forestière) selon le rapport « utilité/coût carbone ». S’il est normal d’exploiter la forêt pour en tirer des biens nécessaires et maintenir son dynamisme, il est nécessaire de connaître le coût carbone de chaque action pour faire les bons choix.

Le bois destiné à du bois d’œuvre et qui est finalement utilisé en tant que tel, correspond à environ 22 % du volume total du bois sur pied : résidus d’exploitation et rémanents, rabotage, usinage, font que la plus grosse partie du bois des tiné au bois d’œuvre est destiné à d’autres usages, dont le combustible, carbone entièrement émis dans l’atmosphère (voir publications de Philippe Leturcq et « Le carbone forestier en mouvements », Magali Rossi et Al., 2015). Le PNFB ne tient malheureusement pas compte ce ce type d’analyse, allant à l’encontre des arguments visant à dynamiser une partie de la filière bois.


 

Le renforcement de la résilience et de la résistance de la forêt au changement climatique « via l’introduction de sélections améliorées d’espèces à fort potentiel »  (exogènes?)

La possibilité d’introduction d’essences non autochtones, au beau milieu d’essences locales, pouvant s’hybrider avec elles ou s’inviter dans leur habitat, nous incitent à la prudence, et à préférer des essais sur des parcelles sélectionnées : page 23.
 

Pour illustrer la logique du vivant, reprenons simplement les dires de Jacques Hazera, expert forestier : « Le meilleur moyen d’améliorer la fertilité est de faire confiance aux processus naturels qui disposent de quelques secrets : mélange des espèces, extraction des bonnes choses par les végétaux, exploitation de la main-d’œuvre non déclarée dissimulée dans le sol, recours à l’assistance des champignons, équilibre, contrôle mutuel, symbioses, échanges, troc, etc.. Ces recettes ancestrales, bien que très lentes, sont extrêmement efficaces : tous les bons sols de la planète vous le diront. » 
 

Le changement climatique remettrait-il en cause cette logique?
 

Notre manque de recul actuel sur la réaction des écosystèmes au changement climatique nous amène à remettre en cause le fonds de ce texte ; à approuver le terme de sylviculture adaptative, mais à réfuter par principe de précaution, celui d’une sylviculture « plus dynamique »  mise en avant pages 23, 24 (titre) et 27.
 


6. Enfin, le principal point mérite certaines interrogations : Une mobilisation de 12 millions de m³/an supplémentaires à l’horizon 2026.
 

Cette augmentation de la récolte conduirait à un taux de prélèvement de 65 % de l’accroissement biologique (contre 50 % environ aujourd’hui).
 

Les interrogations du site vieillesforets.com par rapport à ce dernier point sont :
 

– Le sylviculteur n’étant pas un financier, il ne parle pas en % mais en nombre de m³/ha/an. En hêtraie pyrénéenne, les volumes sont de 4 à 8 m³/ha/an, ce qui donne 60 à 120m3 prélevés tous les passages (15 ans). L’augmentation de 12Mm3 suppose t’elle d’augmenter la pression de prélèvement ? de pratiquer des rotations plus rapides et donc de descendre les diamètres d’exploitabilité? Si oui, de quels chiffres en m³/ha/an parle t’on ?

– La réalisation des 5 maillages cartographiques présentés en annexe 4 prend en compte de nombreux paramètres, mais il n’est donné aucune indication sur les % des prélèvements de bois qui existeront selon les zonages. Il est évident qu’une grande partie de la ressource ne sera jamais mobilisée ou très faiblement. DONC, sous entend t’on que pour atteindre des résultats globaux de 65 %, les forêts de plaine, de piémont et de zones accessibles où l’on tapait déjà seront encore plus sollicitées et subiront des prélèvements bien au-delà de 65 %? Il est à prévoir que les plantations seront étendues et remplaceront encore et toujours des forêts mélangées et taillis sous futaie. C’est précisément dans tous ces cas de figure qu’on parle aujourd’hui de désert biologique.
 

Environ 1/3 des volumes récoltés en forêt (autoconsommation, bois de chauffage), n’ont pas été traités par cette étude.
 
 
 

Une réflexion au sujet de « Avril 2016   PNFB : Les raisons de la contestation »

  1. HUSSON GERARD

    il est scandaleux d’affirmer que la récolte représente 50% de l’accroissement biologique, quand on sait que la consommation de bois de chauffage est estimée par l’ADEME à 32Mm3 .Ce volume qualifié d’autoconsommation, une façon élégante de couvrir un marché illégal, est bien récolté dans nos forêts. Si on y ajoute le volume commercialisé pour une autre destination 38Mm3 et les bois morts ou abandonnés 10Mm3, on en déduit que plus de 90% de l’accroissement biologique disparait tous les ans de nos forêts. Avant de récolter plus il vaudrait mieux augmenter l’accroissement biologique, c’est possible par un meilleur entretien .

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