Printemps 2013     La gourgue d’Asque fragilisée

La gourgue d’Asque, surnommée la « petite Amazonie des Pyrénées » est connue dans toutes les Hautes Pyrénées comme un fonds de vallon à la végétation moussue et exubérante d’une puissance esthétique exceptionnelle. L’habitat d’espèces protégées, tout comme les ambiances forestières, sont actuellement fragilisés par la réouverture récente d’une piste secondaire prenant son origine à Lasserre d’Arrodets (les « hauts » de la Gourgue, commune d’Esparros), qui a altéré le caractère naturel du site et est une porte ouverte à la circulation de véhicules motorisés. 

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Les alentours de la Gourgue, très harmonieux

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Passage du Riou Serbie



















 » Surnommée la petite Amazonie des Pyrénées, la forêt des Hautes Baronnies, que  l’on traverse en remontant la Gourgue d’Asque et le ruisseau de l’Artiguette, est une des splendeurs cachées de la région. La végétation y est tellement luxuriante qu’un sentier d’interprétation botanique y a quelques années  » (extrait du site http://www.bagneres-adour.com)   
 

Cette zone est en ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Floristique et Faunistique) de type I et II, qui reconnaît un caractère écologique remarquable et dresse l’inventaire des espèces du site, sans conférer de statut de protection particulier. Il serait très difficile d’y faire une réserve biologique, car elle est très morcelée. Elle appartient à de nombreux propriétaires privés et à 4 communes dont le bien est géré par la Commission Syndicale de la Basse Montagne des Baronnies et par le Groupement forestier des Hautes Baronnies. Un membre de l’Office National des Forêts du territoire me disait l’été dernier : « de toute façon, que voulez vous qu’il s’y passe ? Elle est protégée de fait par son inaccessibilité ». Cet homme avait raison il y a 6 mois, mais il a tort aujourd’hui.

En arrivant au Riou Serbie

Ce n’est plus une piste forestière enherbée qui se resserre par endroits en un sentier mulatier vouté de branches moussues que l’on parcourt lorsqu’on part à pied de Lasserre d’Arrodets au pont de la Gourgue : Un entretien de la piste a été effectué en fin d’hiver, ce qui en soi parait tout à fait normal. Mais ces travaux, réalisés avec un bulldozer, n’ont pas respecté et ont modifié le caractère naturel et remarquable de la zone. Plus grave, ils ont réouvert l’accès aux véhicules à moteur (4×4, quads, motos), qui n’y passaient plus depuis au moins une décennie… se mettant en porte à faux avec  les règlementations du code de l’environnement en vigueur dans le secteur.

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Passage du Riou, ancien chemin mulatier



L’on passe le Riou Serbie, à l’atmosphère envoutante, complètement déconcerté, marchant sur cette piste aux ornières béantes, entourée de grosses souches déracinées et d’énormes pierres écrasant l’écosystème moussu.


 




 

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Salamandre écrasée

Une famille en land rover nous croise et descend à la Gourgue. Il y a quelques mois, on ne pouvait y passer qu’à pied, ou avec des ânes. Il bruine et les salamandres sont de sortie, très nombreuses, certaines passent malheureusement sous les pneus du véhicule. Déja, il y a quelques années, j’avais constaté que l’accès à la Gourgue par la piste principale engendrait ce type de problème, malgré les panneaux d’interdiction de circulation. Avec la réhabilitation de ce nouvel accès, la taille du problème a plus que doublée, du fait qu’ici, aucune règlementation n’intervient !

Or l’article L411 du code de l’environnement pose l’interdiction de détruire des espèces protégées ou leur habitat. Non seulement la salamandre est une espèce protégée nationalement, mais elle est inscrite sur la liste rouge des espèces menacées et vulnérables, de par la fragmentation de son habitat.


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Aux environs de l’oueil de l’Arros




En bas, dans le fond de vallon, notre piste rejoint la piste principale au « pont de la Gourgue ». A partir de là, les ambiances forestières sont, par endroits, « cassées » : La piste élargie (jusqu’à 4 mètres)  suit la rivière jusqu’à l’oueil (une vraie autoroute à 4×4!) et bien au delà, elle longe le ruisseau de l’Artiguette sur environ 500 mètres de plus, jusqu’à un passage à gué pour l’instant infranchi.

Jusqu’à quand?


 

La gourgue d’Asque est un joyau des Pyrénées centrales aux ambiances sauvages exceptionnelles. 

Ce trésor vient d’être altéré.


 

compr DSC08432 Nous ne parlons pas ici de la piste principale partant de l’ancienne scierie, que la mairie d’Asque entretient avec une équipe de volontaires. Sur les 600 premiers mètres que l’on parcourt à pied depuis le parking, elle vient de gravillonner la piste champêtre existante avec une pente de 4% pour les handicapés, une grande place ronde au bout avec des bancs, pour accueillir l’affluence grandissante (4000 visiteurs recensés en 2012 suite à un JT de TF1!). Ouf! L’aménagement ne va pas plus loin. Pour ceux et celles qui ont ici connu une piste enherbée, le choc sera grand, la découverte triste : La gourgue est victime de son succès. Un accès handicapés est bien sûr louable, mais l’aménagement plus avant avec une place gravillonnée aussi grande et des bancs dans une ambiance autrefois sauvage, nous semble regrettable.
 

Cette nouvelle pénétration musclée dans le massif fait fortement reculer les ambiances forestières sauvages qui font l’âme du lieu. Nous espérons que la mairie d’Asque ne poursuivra pas d’autre aménagement et que la nature reprendra vite ses droits aux abords, qui n’ont pas été épargnés. 
 

 
Nous profitons d’être rive gauche pour signaler que l’apposition du panneau pour les véhicules à moteur et la divagation des chiens ne permet de limiter que partiellement cet accès. Une solution plus efficace serait une barrière même fermée manuellement, plus dissuasive : de nombreux passages de voitures de tourisme sont régulièrement vus à la moindre pluie, juste quand sortent les salamandres. 
 
 

 
Mais revenons à ce qui nous préoccupe : Nous parlons bien dans cet article, non pas du présent accès qui est règlementé, mais de la réhabilitation d’un accès par le haut de la Gourgue (à Lasserre) permettant actuellement le transit des véhicules tout terrain sans aucune restriction pour se rendre bien au delà de l’oueil (la source de l’Arros), et ce sur la commune d’Esparros.


Porte ouverte aux véhicules à moteur
des chasseurs, des locaux et des touristes l’été, ce nouvel accès peut dégrader le patrimoine naturel et culturel de la Gourgue d’Asque, si des mesures ne sont pas prises rapidement pour restreindre efficacement l’accès des véhicules. Il laisse présager un non respect de la règlementation en plein habitat des salamandres et d’autres amphibiens théoriquement protégés au niveau national.
 

L’entretien de cette piste a été effectué par la Commission Syndicale de la Basse Montagne, dixit : « pour faciliter le passage des troupeaux vers les estives ».

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Sachant que la piste s’interrompt brutalement juste avant un passage à gué dans le lit de l’Artiguette, d’où démarre un simple sentier  (voir photo ci contre) qui serpente sur les bords du ruisseau en le traversant de part en part, sur les 3 kms restants : C’est la partie haute du fond de vallon, qui n’est plus empruntée par les troupeaux aux dires des locaux de par la difficulté d’accès.
 
 
 

 


Sachant également qu’une autre piste, large, très entretenue et accessible en véhicule, part d’un endroit très proche, et permet le transit des vaches et moutons via le col de Couradabat, pour se rendre aux mêmes pâturages d’altitude.

Tenant compte du fait que cette partie haute du fonds de vallon n’est pas encore touchée, nous demandons :

  • l’assurance écrite de la part des gestionnaires concernés (Commission Syndicale de la Basse Montagne), de non intervention après le passage à gué du ruisseau de l’Artiguette, afin de protéger efficacement ce qui peut encore l’être, patrimoine naturel remarquable et habitat de plusieurs espèces protégées,
  • la restriction de l’usage du chemin par la commune d’Esparros, avec une barrière et clef aux ayants droits (riverains) ou à minima, un panneau règlementaire de type B-O interdisant le passage à tout véhicule (limité aux engins agricoles). La raison avancée par la commune d’impossibilité de pose de barrière est le fait qu’elles soient vandalisées et ouvertes, mais il est à noter l’observation de naturalistes faisant des relevés fréquents dans la zone, qui se garent devant une barrière présente depuis 20 ans sur un autre accès, qui ne pose aucun problème et n’a jamais été vandalisée.
  • Dans un premier temps, une solution temporaire peut être envisagée rapidement, avant le début de l’été : Un grand panneau informatif à l’entrée du chemin, spécifiant, tout comme cela a été fait par la commune d’Asque, l’interdiction de passage des catégories de véhicules et matériels dont les caractéristiques sont incompatibles avec la préservation des espèces protégées de la zone et de leur habitat (ce qui inclut quads, véhicules de particuliers ou de chasseurs, motos, etc) sauf ayants droits. La divagation des chiens, le camping et les feux devront être interdits (voir photo ci dessus, panneau du coté d’Asque).

Nous divulguerons cette information très largement, tant aux professionnels de la forêt qu’au grand public, afin que la « petite amazonie des Pyrénées » soit protégée comme elle doit l’être : un bien commun, véritable sanctuaire végétal aux espèces protégées, patrimoine naturel et culturel dont les bigourdans sont fiers, considéré comme l’une des plus belles randonnées de la région.

5 réflexions au sujet de « Printemps 2013     La gourgue d’Asque fragilisée »

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  2. LARRIBAUD Claude

    Le reportage de Mr FALBET a été modifié hier, aprés une rencontre et un échange ferme et loyal à la mairie d’Asque. Si le chemin d’interprétation est au trois quarts sur la commune d’Asque, il reste dans les esprits: le chemin de la gourgue d’Asque alors que la Gourgue n’est que l’endroit où le chemin se retrécit. Pour ce qui concerne les aménagements situés sur le territoire d’Asque, ils ont consisté au remplacements de la totalité des panneaux décrivants le biotope de l’Arros, en les modernisant et en les rendant plus explicites (notons que de nombreux pannneaux avaient été vandalisés), ils ont donc aussi renforcés dans une matière que nous espérons plus résistante.L’autre aménagement, que la mairie assume complétement, c’est un accés pour les personnes à mobilité réduite y compris et surtout les personnes se déplaçant avec un fauteuil roulant. Outre, place de parking réservée et pente inférieure ou égale à 4%, ils disposeront au terme du circuit (600M) d’un livre qui leurs permettra d’avoir accés à tous les panneaux qu’il n’auront pu voir (20); Enfin pour ceux qui le souhaitent, ils pourront bénéficier gracieusement d’un fauteuil et de tables de pique nique, à la scierie, adaptés; D’ici au 15 juin les milliers de visiteurs pourront profiter d’un sentier rénové dans la partie Asquaise y compris avec une nouvelle balade depuis la Gourgue par le « chemin des chasseurs » et la « Coume de Paillas ». Ils seront les bienvenus

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