Juillet 2014  Evaluation d’une vieille forêt ariégeoise

Dans le cadre du projet « vieilles forêts des Pyrénées », nous sommes allés courant Juin, évaluer sur le terrain un site potentiel de vieille forêt près d’Ax les Thermes, en Ariège.

Nous avons accompagné deux naturalistes du CEN, le Conservatoire d’Espaces Naturels, basé à Toulouse et partenaire du programme.
 

 

Il est 9h30 et nous avons rendez vous, sous un soleil radieux, au pied d’une hêtraie sapinière, à trois kilomètres de piste forestière de la station de ski Ax-Bonascre.

Nous sommes 4 : les deux naturalistes du CEN, un étudiant en lycée forestier et moi même.

 

L’un des deux membres du CEN est un coléoptériste spécialisé sur les espèces saproxyliques (ce qui représente quand même 2500 espèces environ sur les 10000 espèces de coléoptères présentes en France). L’autre est aranéologue et étudie comme son nom l’indique, les araignées.

 

Ils sont munis d’un compas pour mesurer le diamètre des arbres, nous amenons un ruban forestier. Un GPS, une tablette équipée d’une carte interactive précise, d’une  boussole et d’une foule d’applications complètent les équipements. 
 

Le site a été identifié grâce à la présence de chandelles bien visibles depuis la RN20. La photo aérienne a ensuite permis de délimiter son enveloppe  et de repérer trois points où le peuplement a atteint le stade terminal de la sylvigenèse (présence de trouées avec du bois mort, bien visibles sur la photo aérienne).  Nous devons nous rendre dans ces secteurs afin de procéder à un inventaire précis sur des placettes de 1ha .
 

Nous évoluons au dessus de 1500 mètres d’altitude et dès le départ, nous nous retrouvons sous un couvert forestier aux pentes très raides : la journée promet d’être sportive.

La première placette repérée sur la photo aérienne, la plus proche, est effectivement riche en bois mort sur pied et au sol mais on y trouve des diamètres de bois vivants insuffisants.

Cela n’empêche pas mes compagnons de commencer leur étude d’espèces, permettant de déterminer les taxons présents dans la forêt. Sous les écorces de bois mort, l’Ostoma ferruginea est l’une espèces la plus fréquemment rencontrée. Un opilion, Megabunus diadema, dont les yeux se logent dans une protubérance au-dessus de la tête, évolue sur des mousses épaisses.

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Luzula nivea

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Recherche de coléoptères saproxyliques

 
 

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Nous nous rendons à la deuxième placette repérée qui relève de nombreuses traces d’exploitation ancienne.

Les diamètres des arbres sont plus gros, mais le prélèvement, effectué probablement par câble dans les années 50 ou 60, a provoqué l’absence de certains attributs des vieilles forêts : il y a très peu de gros bois mort à terre, un manque visible de micro habitats, d’où la sensation partagée qu’il manque quelque chose à la naturalité de cette placette.

Nous poursuivons donc notre route, en ayant noté scrupuleusement les spécificités descriptives du lieu. 
 
 
 

 
Nous gardons l’espoir et nous avons raison :
la progression nous amène à des zones de falaise et d’éboulis derrière lesquelles la forêt n’a été que très peu exploitée. La taille des sapins s’en ressent et nous décidons de réaliser l’inventaire d’une placette intermédiaire avant la troisième placette.

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Notre fiche de terrain

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Micro habitat : coulée de sève active

 




















L’étude d’une placette concerne une hectare, et son point central est précisé au GPS. Nous évoluons sur 56 mètres autour du point central en notant toutes les caractéristiques importantes sur une fiche de terrain spécifique.

Le diamètre des TGB, ou très gros bois (vivants) minimal est de 70 cm à 1m30 de hauteur, celui  des chandelles et du bois mort au sol doit faire un minimum de 40 cm de diamètre. Les chandelles doivent mesurer au minimum 1m de hauteur, ce qui permet de ne pas incorporer dans l’étude les souches. Le bois mort au sol doit mesurer au minimum 1 mètre de longueur.

16 types de micro habitats sont recherchés (fentes, cavités, champignons, coulées de sève…) L’inventaire botanique et entomologique se poursuit.

Une heure est nécessaire pour terminer notre étude, avec pour une hectare, plus de 40 sapins de plus de 70 cm de diamètre dont un TTGB (très très gros bois) de 104 cm de diamètre. De nombreuses chandelles et bois mort au sol allant jusqu’à 75 cm de diamètre confortent notre analyse. Nous trouvons beaucoup de carpophores (ou fructifications) de champignons polypores, de cavités à fond dur, de coulées de sève actives.

 

Après un pique-nique mérité, un parcours accidenté nous amène à la troisième parcelle préidentifiée par photointerprétation. Elle correspond aux critères de vieille forêt au simple coup d’oeil.

Une étude approfondie nous permettra de conforter notre sentiment. Le plus gros sapin vivant mesure 125 cm de diamètre, avec plusieurs TTGB au dessus de 110 cm.

Les chandelles, nombreuses, atteignent jusqu’à 85 cm, tout comme le bois mort au sol. De nombreux TGB et micro habitats sont recensés, dans un espace où les milieux ouverts représentent plus de 10% de la surface. 

Ceux-ci sont riches en espèces de fleurs susceptibles d’assurer l’alimentation en nectar de nombreuses espèces d’insectes au stade adulte 


 

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Chandelle de plus de 70 cms de diamètre

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Mesure du plus gros TTGB : 125 cms de diamètre

 


Les membres du CEN ont du pain sur la planche avec 2 forêts à visiter par semaine jusqu’en septembre.

Une étape nécessaire pour la cartographie des vieilles forêts pyrénéennes, un pas de plus vers la connaissance de ce formidable écosystème forestier.